Les sénateurs ont modifié le projet, notamment sur la baisse de l’impôt sur le revenu ou la suppression de la taxe d’habitation.
C’est non sans une certaine solennité que le sénateur Roger Karoutchi se lève, et prend la parole. Il veut mettre en garde le gouvernement. Olivier Dussopt est assis au banc des ministres, ce soir-là. Samedi 23 novembre, à l’heure où d’autres se dirigent vers les cinémas et les restaurants animés du quartier de l’Odéon, à Paris, le secrétaire d’Etat auprès du ministre de l’action et des comptes, Gérald Darmanin, défend le projet de budget pour 2020 devant le Sénat.
« Le ministre va écouter, subir, être battu régulièrement, et il fera battre tout ça à l’Assemblée nationale », entame M. Karoutchi, sénateur (Les Républicains) des Hauts-de-Seine, sur le ton un peu las de celui à qui on ne la fait pas. Donc, conseille-t-il à ses collègues : « Restons sereins et calmes sur le devenir de tous ces amendements. » Il n’en prévient pas moins Olivier Dussopt : « Souvenez-vous d’un certain nombre de sujets sur lesquels le gouvernement a été trop sûr de lui et a lourdement payé par la suite… », a-t-il dit en faisant notamment référence à la fiscalité de l’énergie, dont l’augmentation a déclenché le mouvement des « gilets jaunes » en 2018. Puis il a ajouté : « Ce n’est pas indigne d’un gouvernement d’écouter l’une des deux assemblées. […] Ecoutez le Sénat. »
Le quotient familial relevé
Il est trop tôt pour savoir si cet appel à la sagesse sera entendu. En attendant, le Sénat, dominé par une majorité de droite, a joué sa partition en modifiant la musique budgétaire du gouvernement. L’article 2, qui prévoit une baisse de l’impôt sur le revenu de 5 milliards d’euros, a été adopté par le Sénat. « Reconnaissons que le gouvernement nous propose ici une baisse relativement importante – 5 milliards d’euros – de l’impôt sur le revenu, a déclaré Albéric de Montgolfier, sénateur Les Républicains d’Eure-et-Loir, rapporteur général du texte. Bien sûr, après avoir connu des augmentations successives de cet impôt, on ne peut que s’en féliciter. » Mais, a-t-il noté, les familles sont « les grands oubliés » de la mesure. Sous son impulsion, le quotient familial a donc été relevé de 1 567 euros à 1 750 euros par demi-part.
Même stratégie pour une autre mesure emblématique du projet de budget pour 2020 : la suppression totale de la taxe d’habitation pour 80 % des ménages. Là aussi, le Sénat est pour, et a voté l’article 5 qui la prévoit.Mais il a décidé que cela serait décalé d’une année. « Il ne s’agit pas de remettre en cause la réforme, a assuré M. Montgolfier. Il s’agit simplement de se donner le temps de pouvoir améliorer la réforme et la simuler. » La droite considère en effet que le texte produira des effets pervers et qu’il conviendrait de travailler davantage sur la question de la compensation financière pour les collectivités locales.
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