Une publication suggérant de moins payer les élus a été largement partagée en ligne. Mais outre qu’elle évoque un exemple belge, cette idée n’engendre que peu d’économies
L’appel des « gilets jaunes » à bloquer les routes de France samedi 17 novembre, pour protester contre la hausse du prix des carburants, s’accompagne sur les réseaux sociaux de nombreux messages sur le thème du pouvoir d’achat et de la fracture entre le peuple et les élites politiques.
Une internaute des Bouches-du-Rhône, qui manifeste sur Facebook son soutien au mouvement du 17 novembre, a publié sur sa page personnelle une solution « simple » pour réaliser des économies, qui a été partagée par plus de 190 000 personnes depuis le 19 octobre. Il s’agit de baisser de 1 000 euros par mois les salaires des ministres et des parlementaires, pour réaliser facilement 2 736 000 euros d’économies par an. Mais le calcul, qui part sur des bases inexactes, ne sera de toute façon pas une solution suffisante à l’échelle du pays.
Ce que contient le message :
POURQUOI C’EST DISCUTABLE
1 – Les chiffres proviennent de Belgique
Comme le font remarquer plusieurs commentateurs, les chiffres ne représentent pas la situation politique française actuelle. En effet, on compte :
- 577 députés, et non 150 ;
- 348 sénateurs et non 60 ;
- 22 ministres et 13 secrétaires d’Etat, soit 35 membres du gouvernement et non 22.
Le message Facebook n’est pas faux, mais il décrit les institutions de la Belgique. Et encore, le gouvernement fédéral belge ne compte actuellement que treize ministres et quatre secrétaires d’Etat.
Car non seulement l’image partagée ne parle pas de la France, mais elle est aussi assez ancienne. Elle a ainsi été partagée il y a plus de trois ans, en août 2015, par la page Facebook Made in Belgium, classée comme peu fiable par le Décodex, notre outil de vérification des sources d’information.
En corrigeant le calcul avec les données exactes pour la France, on aboutit :
- 577 députés + 348 sénateurs + 35 membres du gouvernement = 960 personnes ;
- soit 960 000 euros d’économie par mois ;
- ou 11,52 millions d’euros par an.
2 – Un montant très inférieur aux recettes fiscales
En valeur absolu, un montant de 11,52 millions d’euros semble effectivement une somme non négligeable. Cela correspond à :
- une année de smic annuel (14 219 euros) pour 810 personnes ;
- un plein de 50 euros d’essence ou de diesel pour 230 400 automobilistes.
Mais à l’échelle de la France et de ses 67,2 millions d’habitants, le magot semble nettement moins mirobolant : à peine plus que 17 centimes d’eurospour chaque citoyen.
Si on compare la somme économisée par cette suggestion au montant total des recettes fiscales sur le carburant, la somme paraît encore plus dérisoire. En effet, elle représente 0,03 % des 37,7 milliards d’euros que devrait rapporter la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE) en 2019.
3 – Une mesure à la portée symbolique
Réduire les « salaires » des parlementaires — ou plus précisément leurs « indemnités », puisque être élu ou ministre n’est pas un métier — semble avoir peu d’effet par rapport à l’ensemble des recettes publiques.
Pourtant, si on rapporte ce chiffre à l’argent public dépensé pour les députés et sénateurs, la comparaison commence à prendre du sens : cette économie représenterait par exemple 2 % du budget de fonctionnement de l’Assemblée nationale.
Plus généralement, la réduction du train de vie de l’Etat, par la baisse du nombre de parlementaires, était au programme de la plupart des candidats à l’élection présidentielle de 2017. Emmanuel Macron proposait ainsi de réduire d’un tiers le nombre de députés et de sénateurs. Mais cette promesse n’a pas encore été mise en œuvre.