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Matignon demande au ministère des sports de supprimer 1 600 postes d’ici à 2022. La nouvelle ministre des sports a rendez-vous lundi avec le premier ministre, Edouard Philippe.

Tout juste nommée la semaine passée à la tête du ministère des sports, après la démission de Laura Flessel, l’ex-championne de natation Roxana Maracineanu se retrouve d’emblée plongée dans le grand bain. Le petit monde du sport français est en feu. L’incendie a, en l’occurrence, été allumé par Matignon, qui, fin juillet, a adressé au ministère des sports – comme aux autres ministères – une lettre de cadrage préparatoire au budget 2019, dans laquelle sont réclamées une baisse du budget et des coupes dans les effectifs – 1 600 équivalents temps plein au cours de la période 2018-2022.

« Je pense que cette annonce est vraiment très brutale et ce ne sont pas les bons mots qui ont été employés », a déclaré la ministre, dimanche 9 septembre, en marge de la course « La Parisienne » qu’elle était venue soutenir pour sa première sortie publique. « Je suis en train de chercher des solutions », a-t-elle ajouté.

 

« Après c’est un objectif qui vient d’en haut, sans forcément connaître les spécificités vraiment précises du sport, et c’est à moi de les expliquer maintenant », a-t-elle ajouté, tout en rappelant qu’elle faisait partie « d’un gouvernement » dont elle devait suivre« les directives » et en évoquant « les problèmes de réduction de budget » du pays.

L’ancienne championne du monde de natation (1998) a indiqué qu’elle aura un rendez-vous avec le premier ministre, Edouard Philippe, lundi, pour « essayer de plaider notre cause et nous en sortir par le haut le mieux possible ». Ce rendez-vous aura lieu à 10 h 30.

Elle rencontrera le même jour le patron de l’association des directeurs techniques nationaux (DTN), Philippe Bana : « Je vais lui faire part des quelques réflexions qu’on a pour justement que ce mot suppression n’existe plus, que ce ne soit pas ça, ce qu’on veuille faire, mais autre chose. »

« Ces gens visés, c’est tous les formateurs »

« Pourquoi cette disparition au moment où l’on parle du sport santé, au moment où l’on se dirige vers les Jeux olympiques ? Pourquoi on fait ça aux fédérations sportives qui se tapent tout le boulot de formation, d’éducation, d’entraînement de haut niveau, qui en gros font le boulot pour l’Etat ? », a déploré M. Bana (qui est DTN du handball) dans un entretien avec Francetvinfo, dimanche.

La lettre de cadrage, dévoilée seulement vendredi, a été envoyée le 26 juillet, alors que Laura Flessel était encore ministre des sports. Elle rappelle la promesse présidentielle de supprimer 50 000 postes de fonctionnaires et précise que Matignon compte « sur une transformation du mode de gestion des conseillers techniques sportifs (CTS) et sur la réduction de leur nombre, ainsi que sur une rationalisation des services déconcentrés » pour parvenir à cet objectif. Le courrier fixe en outre à environ 450 millions d’euros le budget du ministère pour la loi de finances 2019, en baisse de 30 millions.

Laura Flessel quitte un ministère des sports plus faible qu’à son arrivée.
 

Rémunérés par l’Etat, les conseillers techniques sportifs, au nombre de 1 600, travaillent auprès des fédérations sportives. Il s’agit, par exemple, des directeurs techniques nationaux (DTN), des entraîneurs nationaux et d’autres conseillers. Leur rôle est d’aider les fédérations pour le haut niveau et le développement des pratiques sportives sur le territoire, selon la politique fixée par l’Etat.

« Ces gens [visés par les suppressions d’emplois], c’est Franck Champigny qui entraîne Teddy Riner, c’est Didier Dinart [entraîneur de l’équipe de France de handball], c’est Olivier Krumbholz [entraîneur de l’équipe de France féminine], c’est tous les formateurs, ne serait-ce qu’au handball, tous ceux qui forment les 20 000 entraîneurs partout en France dans tous les petits clubs », détaille Philippe Bana pour expliquer la portée de la mesure envisagée.

Nouvelle gouvernance

Cette publication de la lettre de cadrage survient alors que le contexte est déjà tendu entre le mouvement sportif et l’Etat, le premier s’inquiétant de voir le second se désengager avec un budget du ministère qui s’annonce à la baisse pour la seconde année consécutive, et l’amorce d’une réforme de la gouvernance du sport français : une agence nationale du sport devrait être créée en 2019 pour piloter le haut niveau et le sport pour tous, avec une gouvernance partagée entre Etat, mouvement sportif et collectivités territoriales.

Pour Matignon, « le modèle » actuel, qui « ne répond plus aux enjeux », est en « transformation » pour « laisser un espace » aux collectivités et au mouvement sportif, à qui l’Etat « souhaite donner davantage la main ».

Dans l’entourage du premier ministre, on précise qu’« il n’a jamais été question de supprimer 1 600 CTS »  mais qu’il y a un enjeu sur « leur rattachement ». « L’objectif est de laisser davantage la main aux acteurs de terrain ». Concrètement, l’exécutif aimerait que ces conseillers ne relèvent plus de l’Etat mais des fédérations sportives.

« Une base de discussion »

« Je pense que l’objectif », fixé par la lettre de cadrage, « n’a pas été clairement exprimé, (…) c’était uniquement un document de travail interne », a ajouté Roxana Maracineanu, concédant aussi : « Je ne mesure pas le [caractère] définitif de ce document ».

Benjamin Griveaux, le porte-parole du gouvernement, a affirmé dimanche que le chiffre de 1 600 suppressions de postes au ministère des sports était, à ce stade, « une base de discussion », qui donnera lieu à « un échange », rappelant que le projet de loi de finances « complet » serait présenté « à la fin du mois ».


Lire la suite : Baisse des effectifs : le sport français s’alarme, Roxana Maracineanu va plaider à Matignon


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