La 14e chambre du tribunal correctionnel de Paris continue de passer ses journées en pleine nuit, en l’occurrence celle du 7 au 8 novembre 2008, dont il semble de plus en plus clair que son déroulement ne le sera jamais vraiment. Vingt-quatre heures après leurs collègues quatre et cinq, les témoins numéro un, deux et trois, tous anciens policiers de la sous-direction antiterroriste (SDAT), étaient amenés, jeudi 22 mars, à donner leur version de la filature qu’ils sont censés avoir effectué cette nuit-là du côté de Dhuisy, en Seine-et-Marne.
Julien Coupat et Yildune Lévy ont ainsi passé la septième journée du procès de Tarnac à écouter – sans les voir, puisqu’ils témoignaient anonymement – ceux qui disent les avoir repérés, il y a dix ans, à proximité d’une ligne de TGV qu’on allait retrouver sabotée le lendemain matin.
L’audience a viré à l’opération « sauvetage du PV 104 », le fameux procès-verbal de la filature en question, dont l’accusation a fait sa pièce maîtresse, et que la défense ne cesse de vouloirbroyer depuis dix ans en martelant qu’il s’agit d’un faux. Après deux semaines de procès, le « PV 104 » est loin d’être en miettes, mais les policiers ont dû ramer pour justifier les erreurs procédurales et les bizarreries factuelles qui le caractérisent, et que Corinne Goetzmann n’a pas manqué de souligner jeudi.
Recours à la cartographie
La présidente du tribunal se demande par exemple pourquoi le PV n’est signé que par un policier, alors qu’ils sont dix-sept – dont douze des services secrets, qui ne viendront donc pas témoigner – à avoir participé à la filature.
« C’est l’usage, répond le témoin numéro deux. Le PV est une synthèse de l’ensemble des constatations des membres du dispositif, pas seulement de celles du rédacteur.
– Mais quelle valeur probante peut-on accorder à la constatation d’un officier qui note ce que lui a dit un fonctionnaire dont on ne pourra savoir ni l’identité ni où il se trouvait au moment des faits, parce qu’il est couvert par le secret défense ? »
Au sujet des anomalies – le PV fait par exemple passer le véhicule des prévenus « sous l’autoroute », alors que son trajet le fait forcément passer par-dessus –, le témoin numéro trois, auteur dudit document, s’explique : « J’ai confronté les notes prises au cours de la surveillance à des outils cartographiques pour compléter les noms de voies ou de communes. Il a pu y avoir des confusions, et j’en suis le premier désolé. Au moment où vous rédigez le PV, il est délicat de se souvenir si le véhicule passe sur ou sous l’autoroute. » Le recours à Google Maps est un classique en pareille circonstance, selon numéro deux : « Les notes in situ sont prises à la va-vite, dans une action qui se déroulait, pour le coup, de nuit, dans une zone isolée que nous ne connaissions pas. On fait au mieux, mais ce n’est pas illogique qu’on vérifie avec des éléments de cartographie au moment d’écrire. »
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