Si le richissime Mark Zuckerberg est présent sur Facebook, les super-riches s’inscrivent sur des réseaux sociaux qui nous sont inaccessibles.
I.Le meilleur des mondes
Mai 2012. Comme tous les ans, la ville de Cannes déroule le tapis rouge au gotha du cinéma. Mais l’homme d’affaires Erik Wachtmeister n’est pas ici par amour du 7e art. Fils de l’ambassadeur de Suède aux États-Unis et fondateur du réseau social élitiste A Small World, ce comte a plus que jamais besoin de son entregent. Il est en train de mettre au point un nouveau réseau social, tout aussi élitiste que le premier, Best of All Worlds, et il vient de prier 5 000 personnes particulièrement influentes de l’y rejoindre. Lors du lancement officiel, trois mois plus tard, il revendiquera 25 000 membres. Tous auront été explicitement invités : c’est le seul moyen de pénétrer « le meilleur de tous les mondes ».
« Nous voulons construire un réseau intime avec des personnes qui se connaissent avec deux ou trois degrés de séparation », justifiait alors Erik Wachtmeister, tout en admettant cibler « les 1 % au sommet […], des personnes qui sont à la pointe dans leur domaine : banquiers d’affaires, gens de la communication et des médias, de la mode, de la politique. »
Un entre-soi qui permet l’organisation d’événements – plutôt à Saint-Tropez ou à Dubaï qu’à Dunkerque ou à Djerba, on l’aura compris – et encourage ainsi les happy few à se rencontrer in real life. En se connectant sur la page d’une ville en particulier, ils ont donc accès à des onglets « événements », mais aussi à des onglets « people » et « restaurants ». Ils peuvent par ailleurs diviser leur propre profil en plusieurs « modes » : « au travail », « de sortie », « en famille », etc.
« Nous recréons un environnement qui existe déjà dans le monde physique, similaire aux country clubs, aux salles de conférence et aux salles à manger », souligne aujourd’hui Erik Wachtmeister. « Les gens sont plus enclins à faire de nouvelles rencontres dans un réseau circonscrit. Les larges réseaux publics, au contraire, poussent les gens à mettre des barrières entre eux. »
Aussi Johannes Farkas, utilisateur occasionnel de Best of All Worlds, n’a-t-il « aucun problème à donner [sa] géolocalisation exacte, car c’est un réseau fermé où l’on se sent en confiance ». « Il serait impossible pour Facebook de créer ce genre de jardin clos », dit-il. « Or, il est dans la nature humaine de désirer un sanctuaire, particulièrement à notre époque, où tout ce qui est en ligne est si ouvert. »
Mais s’agit-il vraiment de se protéger des errements de notre époque ou bien plutôt de se distinguer de la plèbe ? Après tout, Facebook permet aujourd’hui de nombreux degrés de confidentialité et la création de groupes privés. L’un d’eux rassemble justement les nostalgiques du premier réseau social d’Erik Wachtmeister, A Small World. Lancé en 2004, celui-ci incluait des célébrités comme Paris Hilton et Naomi Campbell. Il a perdu de sa superbe peu après le départ de son fondateur, au début des années 2010. Difficile, en effet, de se présenter comme un club très sélectif lorsque le vigile à l’entrée laisse entrer 850 000 personnes…
Et virer les clients sans ménagement pour retrouver sa réputation n’aide pas à redorer l’image ternie – surtout lorsqu’un de ces clients est une star déchue mais mondialement connue, le champion de golf Tiger Wood. C’est pourtant ce qu’a fait, en 2013, le nouveau patron du réseau, Patrick Liotard-Vogt, déterminé à réduire le nombre de membres à 250 000. Erik Wachtmeister, lui, semble déterminé à éviter ce genre de problèmes avec Best of All Worlds. Il s’est d’ores et déjà fixé un seuil à ne pas franchir – 36 000 personnes.
Une stratégie également adoptée par son concurrent direct, Andrew Wessels.
II.The Marque
Lancé en 2015, le réseau social d’Andrew Wessels est encore plus confidentiel que celui d’Erik Wachtmeister. Bien plus confidentiel. The Marque compte 250 membres et son objectif est de 1 500 : 500 à Londres, 500 à New York et 500 à Hong Kong. Des villes qui n’ont certainement pas été choisies au hasard : dans ce monde « de marque », celui de la finance est surreprésenté. Mais il ne s’y limite pas, insiste Andrew Wessels : « Nous comprenons aussi des architectes, des artistes, des sportifs. L’idée est de faire se rencontrer des gens qui ont réussi dans des domaines différents. The Marque a beau être un réseau professionnel, il doit permettre une touche personnelle, que ce soit dans la découverte, ou au contraire dans un intérêt en commun. »
Parmi ces « gens qui ont réussi » se trouve par exemple Nadja Swarovski, héritière du producteur de cristal éponyme. Mais cette femme est en quelque sorte l’exception qui confirme la règle. En parcourant la liste des membres du réseau, on réalise en effet que The Marque tend un miroir peu flatteur au capitalisme. Car, tout comme l’élite de nos sociétés inégalitaires, cette liste se compose essentiellement d’hommes blancs...
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