Affaire P.Diddy : le silence complice lors des violences sexuelles en débat
Pourquoi tant de témoins de violences sexuelles gardent-ils le silence ? L’affaire P.Diddy interroge les dynamiques de pouvoir et les comportements d’omission ou de soutien aux agresseurs.
Le producteur de hip-hop milliardaire Sean « Diddy » Combs (également connu sous les noms de P.Diddy ou Puff Daddy), a été mis en examen pour « trafic sexuel » et une série d’autres crimes et délits en septembre 2024. De nouvelles plaintes ont depuis été déposées, plus de cent vingt victimes présumées accusant désormais P.Diddy de violences sexuelles (contrainte physique, menace, abus d’autorité, exploitation de l’incapacité causée par la drogue ou l’alcool, etc.).
L’un des éléments les plus frappants de cette affaire est le nombre élevé de personnes qui ont été témoins des crimes et délits présumés. La plupart de ces actes se seraient produits lors d’événements sociaux et de fêtes très fréquentées depuis au moins 2001.
Le procès de Combs devrait débuter en mai 2025. Cette affaire soulève d’importantes questions sur les personnes qui sont témoins de violences sexuelles et sur la manière dont elles réagissent – ou gardent le silence.
La recherche nous apprend que de nombreuses personnes ne font rien lorsqu’elles sont témoins de violences sexuelles (harcèlement sexuel, agressions sexuelles ou viols).
Souvent, les gens ne se rendent pas compte que leur inaction peut contribuer à aggraver les violences sexuelles.
Pourquoi les gens ne font souvent rien lorsqu’ils sont témoins de violences sexuelles ? Nous avons constaté qu’il existe trois grandes catégories : les personnes qui permettent les violences, les personnes qui sont complices de celles-ci et celles qui participent activement à l’acte répréhensible.
Ceux qui facilitent les violences
Les chercheurs en sciences sociales, nous trois comprises, savent depuis longtemps qu’il est typique pour les personnes qui voient ou savent qu’il y a violences sexuelles de réagir en les ignorant, en les rationalisant ou en les minimisant.
Ces personnes, que l’on pourrait qualifier de facilitateurs, ne participent pas directement aux violences. Mais leur silence et leur passivité contribuent à la poursuite ou à l’aggravation de celles-ci.
Cette façon de permettre les violences est parfois due à une dynamique de pouvoir ou à la crainte de répercussions sociales ou professionnelles néfastes de la part de l’agresseur. D’autres personnes qui ne font rien peuvent ne pas réaliser qu’il s’agit de violences, ou se convaincre que ce qu’elles voient n’est pas grave – ou que ça ne les regarde pas.
En n’agissant pas pour prévenir les violences, ces témoins commettent une faute par omission.
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Ceux qui sont complices des violences
D’autres témoins participent aux violences sexuelles en aidant l’agresseur à les commettre d’une manière ou d’une autre. Ils sont directement complices.
La complicité peut consister à encourager l’agresseur à commettre des violences sexuelles ou à dissimuler les preuves de ces actes. Elle peut aussi se manifester par des tentatives de réduire la victime au silence ou de lui faire honte.
La complicité peut prendre la forme d’un membre de fraternité qui aide son ami à faire boire une femme pour qu’il puisse « profiter d’elle », ou d’un coéquipier qui persuade une victime de ne pas dénoncer les violences sexuelles commises par une star de l’équipe de football américain, sous prétexte qu’elle risquerait de perdre sa bourse d’études.
Beaucoup ignorent qu’en agissant de la sorte, ils peuvent être accusés de complicité du crime ou d’infractions moins graves impliquant néanmoins une responsabilité légale.
Certaines formes de complicité ne sont pas punies par la loi, mais, de notre point de vue, même lorsqu’elles ne sont pas répréhensibles pénalement, elles représentent un échec à contribuer à une société sûre et respectueuse d’autrui.
Ceux qui participent aux violences
Le type de non-intervention le plus flagrant est commis par des personnes qui participent activement à la perpétration de violences sexuelles. Cela se produit souvent lorsque les victimes sont incapables d’agir en raison de l’alcool ou de la drogue. Plusieurs des allégations formulées à l’encontre de Combs mentionnent des victimes qui étaient apparemment en état d’ébriété et pour lesquelles il y avait des coauteurs présumés.
Lorsque plusieurs personnes se livrent à des actes sexuels avec une personne inconsciente à cause de la drogue ou de l’alcool, on parle parfois de viol collectif. Le plus souvent, la co-persécution implique deux auteurs, mais il arrive qu’il y ait plus de personnes impliquées.
Nos récentes recherches montrent que parmi les Américains qui ont été victimes de violences sexuelles, 19 % ont déclaré qu’au moins un des crimes sexuels commis à leur encontre impliquait plus d’un auteur.
La première étape pour changer les choses
Tous ces comportements contribuent activement aux violences sexuelles, protègent les auteurs des conséquences négatives, découragent les victimes d’obtenir de l’aide ou la justice. Ils servent en fin de compte à maintenir des niveaux alarmants de violences sexuelles.
Nous savons que les individus sont beaucoup plus susceptibles d’intervenir pour aider une personne blessée ou en situation d’urgence médicale qu’une personne victime de violences sexuelles.
Les violences sexuelles sont une urgence à part entière à laquelle il faut réagir lorsqu’on en est témoin. En prendre conscience est la première étape pour lutter contre les violences sexuelles.
Zoe D. Peterson, Director of the Sexual Assault Research Initiative at the Kinsey Institute and Professor of Applied Psychology in Education and Research Methodology, Indiana University; Mary P. Koss, Regents' Professor of Public Health, University of Arizona et RaeAnn Anderson, Assistant professor in health sciences, University of Missouri-Kansas City
Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.