La mort lente ou le coup de grâce ? Le président des Etats-Unis, Donald Trump, devait annoncer mardi 8 mai à 20 heures (heure de Paris) sa décision sur une éventuelle sortie de l’accord international sur le nucléaire iranien, avec quatre jours d’avance sur l’échéance qu’il avait fixée aux signataires européens, soucieux de le préserver.
Le président américain leur avait en effet donné jusqu’au 12 mai pour « réparer les affreuses erreurs » du texte ratifié par l’administration de Barack Obama, faute de quoi il refuserait de prolonger l’assouplissement des sanctions américaines contre la République islamique d’Iran.
Les signataires européens ont négocié ces derniers mois avec le directeur politique du département d’Etat, Brian Hook, sans avoir la moindre visibilité sur ce que pourrait accepter le président américain, manifestement peu au fait de ces discussions. Le départ, en mars, du supérieur hiérarchique du diplomate, Rex Tillerson, remplacé par un « faucon » tout juste confirmé par le Sénat, Mike Pompeo, a accru la difficulté de l’exercice.
Avec calme ou fracas ?
Depuis plus d’un an, l’incertitude entretenue par Washington sur le sort de ce compromis a largement empêché l’Iran d’attirer le capital et les investissements étrangers qu’il anticipait à sa signature, en juillet 2015, le privant d’une large part des retombées attendues. Si M. Trump repoussait une nouvelle fois sa décision (comme il l’a déjà fait à trois reprises depuis son arrivée à la Maison Blanche, l’accord devant être renouvelé tous les quatre-vingt-dix jours), cet état de fait perdurerait. S’il se dégageait de l’accord, comme il l’a promis à ses électeurs et comme l’anticipent les autres signataires (les cinq membres du Conseil de sécurité de l’ONU et l’Allemagne), resterait à définir la manière : avec calme ou fracas.
« On attend de savoir si les Américains veulent sortir tout en ménageant un espace pour que l’Iran reste dans l’accord : ils résoudraient alors un problème de politique intérieure, mais ils préféreraient que l’Iran ne recommence pas à enrichir de l’uranium dès demain, envisage un haut responsable économique français. Dans le cas contraire, si les Etats-Unis veulent faire de l’Iran un grand “méchant” et tout casser, alors ils ne seront pas déçus… »
Le président iranien, Hassan Rohani, a laissé entendre lundi que l’Iran pourrait demeurer dans l’accord même sans les Etats-Unis, à condition que les Européens lui donnent des gages. Mais sa position se fait minoritaire au sein de l’Etat iranien.
Les voix se multiplient à Téhéran en faveur d’une reprise de l’enrichissement, d’un retour à l’isolement face aux sanctions internationales qui s’appliqueraient de nouveau à pleine force, voire d’une sortie du traité de non-prolifération des armes nucléaires (TNP), auquel l’Iran a adhéré en 1970, et qui ouvrirait la voie à la recherche d’une bombe atomique, soulevant à coup sûr des menaces militaires, notamment de la part du voisin israélien.
Première étape possible : les sanctions sur le pétrole
Techniquement, l’échéance annoncée par M. Trump coïncide avec la nécessité de renouveler, avant le 12 mai, la levée d’une importante mesure de sanction américaine, qui avait contribué à étouffer les ventes de pétrole iranien à l’étranger jusqu’à l’entrée en vigueur de l’accord, en janvier 2016.
Donald Trump a la possibilité de réimposer sans délai cette mesure : cela engagerait une guerre commerciale avec les partenaires commerciaux européens, chinois ou indiens de l’Iran, l’un des principaux producteurs de brut mondial. Washington a également la possibilité de laissercourir une période de « grâce » de cent quatre-vingts jours, afin de laisser le temps à ces partenaires de se désengager pour échapper à des sanctions bancaires unilatérales, ou de trouver un compromis avec Washington.
La probable hausse du prix du baril qui s’en ensuivrait pourrait nuire aux intérêts des Etats-Unis, mais pas nécessairement à ceux de l’Iran. « Un retour de sanctions pétrolières n’affecterait pas les ventes de Téhéran, estime Pierre Fabiani, ancien patron de Total dans le pays. Les banques européennes seraient peut-être effrayées, mais les Chinois, comme les Indiens, se moquent des sanctions américaines : ils achèteront toujours à Téhéran, avec de beaux rabais. »