Accidents cardiaques : pour votre santé, faites du sport – mais pas n’importe comment

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Accidents cardiaques : pour votre santé, faites du sport – mais pas n’importe comment

Miwakan Isabelle Macoucou Kouame, Université de Bourgogne – UBFC

Les bénéfices de l'activité physique pour prévenir la survenue des maladies cardiovasculaires ont été depuis longtemps validés scientifiquement, et font l'objet de recommandations fiables. La Fédération française de cardiologie rappelle notamment que «30 à 45 minutes d'activité physique modérée par jour (marche d'un bon pas par exemple) réduisent le risque d'accident cardiovasculaire de 30 % en moyenne».

Mais attention à ne pas vouloir trop en faire, en particulier après un long arrêt. En effet, pratiquer un exercice sportif intense sans précaution peut déclencher un infarctus du myocarde ou un arrêt cardiaque. Il a même été démontré que parmi les facteurs déclencheurs d'infarctus, l'exercice vigoureux était l'un des plus puissants (25).

Pas de panique toutefois : non seulement ce type d'accident est en proportion très rare, mais de plus, la majorité d'entre eux surviennent chez des personnes habituellement peu actives, ou sédentaires, au cours d'une activité physique inhabituelle. Le respect de quelques règles et la pratique d'une activité physique adaptée permet donc d'en limiter le risque de survenue.

Qui est concerné ? Quels sont les signes qui doivent alerter ? Quelles bonnes pratiques observer pour limiter les risques ? Voici les réponses données par la science.

Quels sports (et quels sportifs) sont concernés ?

La forte médiatisation des évènements cardiaques survenant chez les athlètes de compétition, comme celui qui a frappé le footballeur danois Christian Eriksen lors de l'Euro 2020, ne reflète pas l'ampleur de ces accidents. La grande majorité d'entre eux survient en effet le plus souvent chez les participants aux sports de loisir, dont les effectifs sont beaucoup plus importants. Ainsi, parmi tous les cas de mort subite liés au sport, il a été estimé que seuls 6 % se produisent lors de sport de compétition, contre 94 % au cours des activités sportives de loisir.

Selon la classification des sports de la Société européenne de Cardiologie, les sports concernés sont majoritairement des sports d'endurance et de forte intensité. Les études sur le sujet révèlent qu'environ 70% des cas se produisent chez des adeptes de la course à pied, de la natation, du cyclisme, de la randonnée, du football et du tennis.

Chaque année, en France, environ 1000 morts subites se produisent pendant une activité? sportive. Ce chiffre est à remettre en perspective avec le nombre global de morts subites qui se produisent dans notre pays. Il surviendrait en effet tous les ans entre 30 000 et 50 000 cas de morts subites en France, avec une incidence entre 50 et 100 cas pour 100 000 personnes-année (1 pour 1000 dans les pays développés).

Mais comme nous l'avons dit précédemment, ces accidents sont rares. Au global, on considère qu'environ 5 % de ces morts subites surviennent au cours d'une activité sportive.

Pourquoi ces accidents surviennent-ils ?

Longtemps mal connus, on en sait davantage aujourd'hui sur ces accidents cardiovasculaires induits par l'exercice. L'analyse des données actuellement disponibles révèle que leur survenue est en lien avec l'âge et les facteurs de risque cardiovasculaire associés : l'hypertension artérielle, le diabète, le tabagisme, un taux élevé de mauvais cholestérol, l'excès de poids ou l'obésité…

Chez les sujets jeunes, ces accidents surviennent généralement en raison d'une anomalie non détectée. Celle-ci peut parfois être acquise (inflammation du muscle cardiaque), mais le plus souvent elle est d'origine génétique ou congénitale.

Après l'âge de 35 ans, les accidents cardiovasculaires induits par l'exercice résultent dans 80% des cas d'un processus d’athérothrombose : la rupture d'une plaque d'athérosclérose induit la formation d'un caillot sanguin obstruant la lumière de l'artère coronaire (thrombose). Les plaques d'athérome sont constituées de cellules sanguines et de «mauvais» cholestérol (cholestérol LDL). Elles s'accumulent au fil des années sur la paroi interne des artères provoquant leur épaississement, leur durcissement et une diminution de l'élasticité gênant l'écoulement du sang.

Les accidents coronariens sont donc davantage susceptibles d'affecter les sujets adultes et seniors. Ils surviennent principalement chez des patients souffrant de multiples lésions sur leurs artères coronaires, caractérisées par un rétrécissement du calibre de ces vaisseaux sanguins irriguant le cœur (coronaropathie pluritronculaire).

Si l'on connaît mieux aujourd'hui les facteurs de risque, les mécanismes par lesquels l'exercice physique déclenche un évènement cardiaque aigu ne sont pas encore clairement identifiés. La rupture de la plaque d'athérome pourrait être favorisée par l'augmentation de la contrainte mécanique sur la paroi vasculaire induite par l'exercice.

Toutefois, la survenue d'un infarctus du myocarde pourrait également être liée à des mécanismes autres qu'une obstruction de la lumière de l'artère coronaire. En effet, un déséquilibre entre l'apport et la demande d'oxygène du tissu cardiaque (ischémie myocardique) peut survenir à l'effort, lorsqu'une plaque d'athérome calcifiée stable est présente et engendre un rétrécissement de l'artère (sténose fixe).

Quels symptômes doivent alerter ?

Les symptômes d'un infarctus du myocarde lié à la pratique sportive sont définis comme ceux d'un infarctus classique. Typiquement, il s'agit d'une douleur intense à type d'oppression thoracique, irradiant à la mâchoire et/ou au bras gauche, prolongée et résistante aux médicaments antidouleur habituels. Parfois il peut s'agir de modification des caractéristiques d'une douleur habituellement modérée qui cédait rapidement et qui ne nous alarmait pas.

Cependant, il arrive que les symptômes diffèrent : l'infarctus peut parfois se traduire par un essoufflement anormal, un malaise ou des vertiges inexpliqués (avec, au maximum, une perte de connaissance), des palpitations ou encore des symptômes digestifs chez des personnes n'ayant aucun antécédent de pathologie digestive.

Les symptômes surviennent au cours de l'effort physique, ou dans l'heure qui suit l'effort, pendant la phase de récupération.

Peu d'études ont été menées sur le territoire français, mais un observatoire récemment mis en place à l'échelle d'un département français (IMACS) indique que les sujets ayant présenté un évènement cardiaque lié au sport ont éprouvé dans près d'un tiers des cas des douleurs en amont, qui ne les ont cependant pas amenés à envisager une consultation médicale (laquelle aurait peut-être permis d'éviter ledit évènement cardiaque).

Ces données, convergentes avec d'autres, suggèrent qu'il existe une importante opportunité de prévention de ces évènements cardiaques.

Un dépistage difficile

L'un des problèmes est que l'atteinte coronaire à l'origine des accidents cardiovasculaires induits par l'exercice physique est fréquemment asymptomatique, elle n'est donc pas toujours dépistée.

Par ailleurs, l'entraînement permet de compenser en partie le débit sanguin coronaire en augmentant le diamètre et/ou la densité des artérioles. Il améliore aussi la réactivité vasomotrice (la capacité adaptatrice des vaisseaux à se dilater ou se rétrécir en fonction des besoins myocardiques).

Il est possible que dans certains cas, ces adaptations vasculaires bénéfiques permettent aux sujets pratiquant une activité sportive de gérer la réduction du flux sanguin myocardique induite par la présence des plaques d'athérome. La conséquence est qu'ils éprouvent peu de symptômes en amont de l'accident aigu, malgré l'étendue de leurs lésions coronaires.

Comment évaluer son risque coronaire ?

L'évaluation du risque coronaire se fait grâce à l'échelle SCORE (Systematic Coronary Risk Evaluation), basée sur les recommandations de la société européenne de cardiologie. Il s'agit d'un diagramme qui permet de prédire le risque de survenue d'évènement cardiovasculaire létal à 10 ans, chez des individus présumés sains. Il est adapté à la population européenne, pour la prévention cardiovasculaire en pratique clinique.

Les variables majeures qui entrent en compte dans ce modèle sont le sexe, l'âge, le statut tabagique ou non, la pression artérielle et le cholestérol total. Elles permettent de catégoriser la population en bas risque cardiovasculaire, risque modéré, haut risque et très haut risque cardiovasculaire.

L'épreuve d'effort (électrocardiogramme d'effort) n'est globalement recommandée que chez les sujets symptomatiques, ou ceux présentant certains facteurs de risque cardiovasculaire, notamment une hypertension artérielle, une dyslipidémie (taux élevé de mauvais cholestérol ou HDL cholestérol, de triglycérides, ou les deux), un diabète, un tabagisme actif ou des antécédents familiaux d'infarctus (autrement dit, si des membres de la famille immédiate, père, mère, frère ou sœur, ont eu un infarctus avant l'âge de 55 ans ou, dans le cas des femmes, avant la ménopause).

Cet examen consiste à enregistrer l'activité électrique du cœur au cours d'un exercice physique soutenu. Outre la détection des troubles du rythme et l'évaluation de la tension artérielle à l'effort, il permet de détecter les signes électriques d'une ischémie myocardique induite par l'exercice physique (déséquilibre entre l'apport et la demande d'oxygène du tissu cardiaque).

Qui est à risque, et quelles précautions prendre ?

Les personnes présentant les facteurs de risque cardiovasculaire cités précédemment sont plus susceptibles de développer un évènement cardiovasculaire.

L'activité physique est bien entendu très bénéfique pour ces patients, mais ils doivent cependant garder à l'esprit que le risque associé à l'exercice vigoureux est accru, et prendre des précautions en conséquence. La prévention de ces évènements passe donc par un dépistage adapté et individualisé avant la pratique du sport.

Des données épidémiologiques indiquent qu'une surveillance particulière doit être portée aux hommes d'âge moyen pratiquant des sports de loisirs, qui constituent une population particulièrement à risque.

Un examen médical avec réalisation d'un électrocardiogramme pour le dépistage d'éventuelles pathologies cardiaques et d'anomalies est recommandé chez ces derniers, de même que l'évaluation et le dépistage des facteurs de risque cardiovasculaires afin d'identifier les personnes à haut risque d'évènements coronaire qui nécessitent des tests supplémentaires.

Avant 40 ans

Le modèle de prévention cité précédemment n'est pas directement transposable aux individus de moins de 40 ans. Avant 35 ans, les recommandations des sociétés savantes sont en effet contradictoires.

Si certaines préconisent de réaliser d'un électrocardiogramme systématique avant la pratique sportive, d'autres mettent l'accent sur la prévention primaire, autrement dit l'ensemble des mesures visant à empêcher l'apparition de problèmes cardiovasculaires (s'alimenter correctement, ne pas fumer, traiter son hypertension si nécessaire, etc.), qui pourrait jouer un rôle majeur dans la limitation du risque de survenue prématurée d'une maladie coronaire.

Le type de sport, et notamment l'importance de la sollicitation cardiovasculaire qu'il induit, doit également être pris en compte.

Faire du sport, mais pas n'importe comment

La pratique d'une activité physique régulière reste bien évidemment une stratégie particulièrement efficace de prévention des maladies cardiovasculaires, cela ne fait aucun doute. Au global, les personnes actives ont un risque cardiovasculaire moins élevé que les autres.

Cependant, il est important de respecter certaines bonnes pratiques, comme celles proposées par le Club des cardiologues du sport.

La méconnaissance des risques que peut faire courir une pratique sportive mal adaptée se traduire parfois par des comportements préjudiciables, dont les conséquences peuvent être aggravées par l'ignorance des symptômes suspects. S'ils ne sont, fort heureusement, pas toujours fatals, la portée psychologique et sociétale des évènements cardiaques est vive. Mieux vaut donc en limiter le risque de survenue.

Miwakan Isabelle Macoucou Kouame, Doctorat Médecine, pathologie cardiorespiratoire vasculaire, Université de Bourgogne – UBFC

Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.

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