Une coalition de suprémacistes blancs n'a réussi dimanche à réunir qu'une vingtaine de manifestants devant la Maison Blanche. Face à eux, des centaines de protestataires anti-racistes leur ont signifié qu'ils n'étaient pas les bienvenus.
Ils devaient être 400, ils ne furent qu’une vingtaine. Un groupe de suprématistes blancs a bel et bien fait le voyage jusqu’à Lafayette Square, devant la Maison Blanche, dimanche 12 août, un an jour pour jour après l'assassinat d’une manifestante anti-raciste à Charlottesville. Mais leur nombre a été largement dépassé par celui des contre-manifestants venus leur crier qu’ils n’étaient pas les bienvenus à Washington.
Emmenés par leur leader Jason Kessler - déjà présent à Charlottesville l’an passé -, à peine deux douzaines de membres de la coalition d’extrême droite "Unite the Right" (Unir la droite) sont arrivés en début d’après-midi dans la banlieue de la capitale américaine. Jason Kessler a affirmé aux médias qu’il venait promouvoir la liberté d’expression et protester contre "les abus visant les droits civiques des Blancs". Le petit groupe a ensuite pris un métro pour rejoindre le centre-ville, sous haute protection policière. De là, ils ont parcouru sous les huées les quelques centaines de mètres les séparant de la Maison Blanche. Certains d’entre eux ont assuré à la chaîne américaine NBC être "davantage américains que les non-Blancs".
Face à eux, des centaines de contre-manifestants serrés derrière des barrières criaient "Nazis, rentrez chez vous !", "Black Lives Matter" (La vie des Noirs compte) ou encore "Non aux nazis, non au Ku Klux Klan, non à une Amérique fasciste !". Une foule très variée avec un message clair : les néo-nazis, nationalistes et autres membres de l’alt-right ne sont pas tolérés dans la capitale américaine, ville ultra-démocrate où près de la moitié des habitants sont noirs. "Nous avons des gens qui viennent dans notre ville avec pour unique but de propager la haine", a dénoncé la maire de Washington Muriel Bowser dans un communiqué.
"Nous vous remplacerons"
"Nous sommes venus pour communiquer notre sentiment sur l’état du pays, affirment Rachel et Will, habitants de Washington. Pour nous, la diversité et l’égalité raciale, c’est important." Devant la Maison Blanche, Will affiche fièrement une pancarte "We will replace you" ("Nous vous remplacerons"), un message adressé aux théoriciens du "grand remplacement" selon qui les Blancs chrétiens vont petit à petit être remplacés par des non-Blancs.
Un peu plus loin, Debra, venue de Virginie, affirme s’être déplacée "par solidarité contre la haine". "Ce n’est pas eux qui ont le pouvoir, c’est nous ! Ils ne sont qu’une poignée, nous n’avons pas peur", ajoute-t-elle. Des événements de Charlottesville, cette Afro-Américaine garde un souvenir "terrible" : "Ils savent qu’ils ont fait une erreur en venant ici aujourd’hui", assure-t-elle. Quand à Donald Trump, le chef de l’État américain qu’elle préfère appeler "45" (il est le 45e président des États-Unis), il "participe à ce racisme", selon elle. L’année dernière, il avait été lourdement critiqué pour avoir renvoyé dos à dos la violence des suprématistes blancs et celle des anti-racistes. Samedi, il a condamné le racisme "sous toutes ses formes" dans un tweet.
Liberté d'expression
Dans la foule des contre-manifestants, quelques dizaines de "black blocs", silhouettes vêtues en noir et encagoulées, ont tenté de se frayer un passage pour se rapprocher au plus près des nationalistes. Mais les barrières et la présence policière - à pied, à vélo, à moto, et même à cheval - rendaient toute confrontation directe impossible.
En début de soirée, un journaliste de l'AFP a toutefois fait état d'affrontements entre les anti-fascistes et la police, une fois le rassemblement suprématiste terminé.
Celui-ci a pris fin bien plus tôt que prévu, alors qu'un orage éclatait. Les participants ont été placés dans des mini-vans et escortés par le Secret Service (les services de protection de la Maison Blanche), sous les huées des contre-manifestants. L'antenne locale de Black Lives Matter a remercié ses membres d'être venus dans un message Facebook : "Nous, ceux qui sommes du côté de la liberté, avons été plus nombreux que le groupe Unite the Right, et ce par milliers."
Sous la pluie, la foule de Lafayette Square s’est dissipée progressivement, sans vraiment comprendre à quel moment les suprématistes blancs - si peu nombreux - sont arrivés, ni quand ils sont partis. Indira, protégée par son parapluie et son immense pancarte, est presque déçue de ne pas avoir aperçu un seul néo-nazi : "On m’a dit qu’ils n’étaient finalement qu’une vingtaine", sourit-elle.
La manifestante a quand même trouvé un point positif à cet après-midi humide : l’existence du 1er amendement, qui garantit à tous les Américains le droit de s’exprimer, quelle que soit leur opinion. "Ils ont le droit de s’exprimer mais nous avons aussi le droit de leur crier dessus pour protester contre ce qu’ils disent." Un bon résumé de la liberté d'expression à l'Américaine.