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Héritier d’un urbanisme utopique, ce grand ensemble doit faire l’objet d’un vaste programme de rénovation et de transformation sociale. Un projet aux ambitions louables, mais qui inquiète habitants et défenseurs du patrimoine.

Dans son studio du 35e étage, à travers ses trois hublots en forme de goutte d’eau, Roger des Prés couve du regard les tours Nuages : de drôles de gratte-ciel aux couleurs du ciel et de la forêt, tout en rondeurs et en replis, disséminés dans un parc arboré, percés comme au hasard de fenêtres en rond, en carré ou en larme… « De la poésie pure », s’enthousiasme ce locataire peu ordinaire. ­Figure de Nanterre (Hauts-de-Seine), où il anime La Ferme du bonheur, une friche ­culturelle mêlant création, lien social et agriculture urbaine, Roger des Prés est aussi un fervent défenseur de ce grand ensemble signé par l’architecte Emile Aillaud, qu’un collectif d’habitants et des spécialistes du patrimoine estiment aujourd’hui menacé.

La proximité du quartier d’affaires de la Défense renforce le soupçon d’éviction des plus fragiles au profit des plus riches

Les tours Nuage de Nanterre, monument de l’urbanisme utopique des « trente glorieuses » et concentré de difficultés sociales au pied du temple des affaires de la Défense, entrent dans une phase délicate de rénovation urbaine et de transformation sociale. Un programme de longue haleine, à l’ambition double : mettre aux normes actuelles de ­confort thermique ces dix-huit tours mal isolées, dont les façades tombent en morceaux, en les enveloppant dans une armure métallique. Et introduire de la mixité et une variété d’usages dans ce chaudron de 1 600 logements sociaux, en convertissant un tiers des tours en résidences privées et en activités.

Sur le papier, une ambition louable et une démarche de compromis. Dans la réalité, un programme explosif. La proximité du quartier d’affaires renforce le soupçon d’éviction des plus fragiles au profit des plus riches, qui pèse sur chaque programme de rénovation urbaine. Et les habitants historiques, devenus des passionnés de l’œuvre d’Emile Aillaud, se sentent investis d’une mission : défendre une utopie qui fait leur fierté.

« On ne veut pas que rien ne bouge. Ça fait vingt ans qu’on demande une rénovation. Mais aujourd’hui, la ville et les promoteurs veulent chasser des gens de ce quartier pour le transformer en prolongement de la Défense », dénonce une animatrice du collectif, sous couvert d’anonymat. « Nous sommes attachés au patrimoine et à l’architecture, mais aussi à la société qui vit dans ce quartier », souligne Roger des Prés.

Construites entre 1973 et 1981, les dix-huit tours de 7 à 38 étages sont habillées de mosaïques en petits carreaux de pâte de verre signées par le peintre Fabio Rieti, le gendre d’Aillaud. A leur pied serpentent une dalle piétonne et un parc tout en ondulations, planté de centaines d’arbres et de sculptures ludiques.


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